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Crédits : Remo Casilli - Reuters

Le retour improbable de Berlusconi sur le devant de la scène politique italienne

Par Armand Bécasse

Premier ministre du gouvernement italien, président du grand AC Milan pendant vingt ans, homme d’affaires à succès, Silvio Berlusconi a porté toutes les casquettes en 86 ans d’existence. Mais à la suite de plusieurs condamnations en 2013 : l’exclusion. Son nom, pourtant, n’a jamais quitté la bouche des Italiens, et encore moins des Milanais qui l’ont élu, le 27 septembre, au Sénat transalpin. Berlusconi devient alors membre du gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni. Retour sur la résurrection d’Il Cavaliere.

Si des personnages comme Nicolas Sarkozy et Bernard Tapis existent en France, Silvio Berlusconi en serait le mix parfait. Le natif de Milan débute dans les affaires en 1961 avec une société de bâtiment travaux publics. Mais c’est rapidement dans le domaine de l’audiovisuel qu’il se distingue, ouvrant Milano 2 en Lombardie puis Canale 5, première chaîne privée nationale, et surtout en achetant presque toutes les chaînes de télévision italiennes. Devenu un magnat tout puissant de l’audiovisuel italien, il s’offre le club de l’AC Milan en 1986 avec lequel il connaîtra de grandes heures de gloire en remportant cinq coupes d’Europe. 

Très rapidement, Il Cavaliere (surnom obtenu après avoir été nommé chevalier de l’ordre du mérite du travail) s’implique en politique. Conservateur chrétien et anticommuniste, il créé en 1994 Forza Italia à l’image de ses convictions : un parti de centre droit centré sur un culte du chef (en l’occurrence, Berlusconi) aux idées libérales et conservatrices. Il a alors pour objectif le siège de la présidence du Conseil, qu’il obtiendra la même année. Fervent défenseur des idées du travail et de la famille, il occupera ce poste à trois reprises, entre 1994 et 1995, 2001 et 2006 et entre 2008 et 2011. Le bilan de ses années de gestion est sans appel : l’Italie en ressort plus inégalitaire et plus endettée, ce malgré une baisse des taxes et l’adoption de l’euro. De plus, la démocratie italienne est ébranlée par la concentration d’une grande partie des médias dans les mains de Berlusconi alors même qu’il est président du Conseil, par l’épuration des voix d’opposition du service public ainsi que par nombre de procès contre les journaux d’oppositions afin de faire plier toute contestation. 

Mais quelle ressemblance avec Tapis ou Sarkozy sans une ribambelle de scandales ? De 1994 jusqu’à 2013, 28 condamnations sont prononcées contre Berlusconi, la plupart pour fraude fiscale, dont celle de l’affaire Mediaset qui l’oblige à quitter le gouvernement le 1er août 2013. Berlusconi aurait artificiellement gonflé le prix des droits de diffusion de films via des sociétés écrans, pour les revendre plus cher à son entreprise Mediaset et ainsi payer moins d’impôts (jusqu’à 7 million d’euros). Une autre plainte se démarque, le Rubygate. Le chef du gouvernement italien aurait incité une mineure à la prostitution dans sa villa, près de Milan. Condamné à sept ans de prison, il est acquitté par la cour de Milan.

 

Pas de Meloni sans Berlusconi

 

Cela faisait donc maintenant 9 ans que Berlusconi avait quitté la sphère politique italienne. Âgé de 76 ans et exclu du Sénat, son retour paraissait plus qu’impossible, mais c’était sans compter sur l’implication de sa protégée, Giorgia Meloni. Retour 13 ans en arrière, lorsque Berlusconi, alors Premier ministre, fait entrer la jeune Meloni, conservatrice de 33 ans, au  gouvernement italien. C’est le début d’une carrière politique pour la défenseuse de Mussolini, le tout lancé par Il Cavaliere qui considère Salvini et Meloni comme ses enfants. 13 ans plus tard, c’est dans une coalition d’extrême-droite que son parti plus modéré, Forza Italia, vient se greffer avec l’espoir de retrouver les bancs du Sénat italien. 

Sa résurrection dans la sphère politique passe alors par les réseaux sociaux : Berlusconi tente de convaincre les jeunes en publiant de nombreux Tiktok, certains atteignant les millions de vues. Il promet alors d’apporter de la modération dans les discours conservateurs, eurosceptiques et anti-immigration de Meloni et Salvini. Résultat, le 27 septembre, Berlusconi retrouve sa place au gouvernement italien, 9 ans après son exclusion pour fraude fiscale ayant pris fin en 2019. 

 

Une image controversée au gouvernement

 

Sa place dans le gouvernement est encore à décider. Berlusconi vise la présidence du Sénat, mais son âge et ses positions ambiguës sur le conflit ukrainien pourraient pourraient l’éloigner de son but. Son retour est cependant bien réel, et envoie deux messages aux Italiens et aux Européens. C’est en effet une figure extrêmement controversée qui retrouve le Sénat, malgré une exclusion neuf ans plus tôt et une affaire d’incitation à la prostitution encore en cours.

 

Quelle image alors pour la justice italienne ? Un homme au casier judiciaire aussi long que sa carrière en politique peut-il encore prétendre à un poste à responsabilité dans la politique de son pays ? Tout porte à croire que oui, surtout selon les citoyens italiens. Ses détracteurs existent, mais ne font que très peu de bruit face à ses partisans, presque fanatiques d’un personnage surpuissant, d’une figure paternelle, et ce malgré les casseroles d’Il Caveliere. Pour les Européens, l’élection de Berlusconi, pro-européen, permet de nuancer les positions extrémistes de Salvini et Meloni. L’octogénaire est ainsi perçu comme un mal pour un bien, de l’eau dans le vin italien.

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